L’annonce a fait réagir il y’a quelques semaines l’opinion publique : l’Olympique Lyonnais portera désormais sur ses maillots l’inscription « Destination Congo Brazzaville », fruit d’un partenariat avec la République du Congo. Une initiative qui donne au pays de l’indicatif +242, une visibilité internationale via le football, après l’échec des négociations similaires avec la République Démocratique du Congo (désormais associée à Barcelone, l’AC Milan et Monaco).
Mais si l’effet médiatique est immédiat, la pertinence stratégique de ce choix soulève des questions profondes. L’enjeu dépasse le sponsoring sportif : il s’agit d’interroger la manière dont un pays se construit une marque nationale cohérente et durable.
Quand le football devient vitrine
Sur le plan communicationnel, s’associer à un grand club de football européen est une démarche efficace. Le sport concentre des millions de regards, suscite une ferveur émotionnelle et offre un terrain propice à la projection d’images nationales.
En ce sens, le choix de l’OL n’est pas anodin : club historique, ancré dans une métropole dynamique, avec une base de supporters solide. Mais la question n’est pas tant l’exposition que la lisibilité du message transmis.
« Destination Congo Brazzaville » un slogan plutôt faible et ambigu que symboliquement fort
Un slogan est un acte de langage stratégique. Or, la formule retenue par Brazzaville semble poser deux problèmes majeurs :
- Confusion identitaire : à l’international, la distinction entre République du Congo et RDC reste floue. En ajoutant « Brazzaville » plutôt que de s’appuyer sur l’appellation officielle (« République du Congo »), la marque nationale se dilue et entretient une ambiguïté.
- Manque de pouvoir évocateur : contrairement à « Visit Rwanda » ou « Incredible India », qui éveillent l’imaginaire et promettent une expérience unique, « Destination Congo Brazzaville » sonne descriptif. Le terme « destination » ne dit rien de ce que le pays incarne, ni de ce qui le distingue dans le concert des nations.
En branding, la clarté et la force d’évocation sont essentielles. Ici, le message paraît plus fonctionnel que symbolique, plus administratif que narratif.
La leçon des grandes stratégies de nation branding
Les théories en communication rappellent que bâtir une marque pays ne se limite pas à un slogan ou à une opération médiatique. C’est un processus stratégique, qui mobilise plusieurs dimensions :
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Un récit national cohérent : au-delà de l’affichage, il faut une histoire à raconter (culture, nature, résilience, innovation…).
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Une appellation claire : simplifier pour rendre identifiable (la République du Congo, plutôt que l’ajout d’un repère géographique).
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Une cohérence multisectorielle : tourisme, économie, diplomatie et culture doivent converger vers un message unique.
Ainsi, la réussite de « Visit Rwanda » ne tient pas uniquement à l’inscription sur les maillots d’Arsenal et du PSG, mais à une politique touristique ambitieuse, des investissements dans l’écotourisme et une narration claire : celle d’un pays tourné vers l’avenir.
Entre communication politique et stratégie nationale
Dans le cas du Congo, la crainte est que l’initiative reste cantonnée à un coup de communication politique plutôt qu’à un projet structuré de nation branding. Le football donne de la visibilité, certes, mais une marque pays doit survivre aux fluctuations sportives, aux saisons réussies ou ratées.
Sans vision globale, « Destination Congo Brazzaville » risque de n’être qu’un logo sur un maillot, sans effet d’entraînement sur l’économie, la culture ou le tourisme.
Une première pierre, mais un édifice à construire
Le partenariat avec l’OL offre une vitrine indéniable à la République du Congo. Mais une vitrine sans contenu risque de se briser vite. Pour exister comme marque pays crédible, Brazzaville doit dépasser le simple affichage et bâtir une stratégie cohérente, intégrée et porteuse de sens.
Autrement dit : un slogan seul ne suffit pas. La République du Congo doit choisir une identité claire, construire un récit national fédérateur et investir dans des politiques capables de donner chair au message.Sans cela, « Destination Congo Brazzaville » restera une formule éphémère, là où le branding national exige vision, cohérence et profondeur.