La femme émancipée dans certaines régions d’Afrique fait parfois la honte de la famille. Cette affirmation  peut être empreint d’un doute  ou  pour beaucoup peut laisser penser qu’il s’agit d’une formule humoristique  à l’aune du XXIe siècle, qu’on prend plaisir à lire ou à écouter lors des shows télévisés  qui peignent une imagine caricaturale des réalités de ce bau continent.

La question qui mérite d’être posée, oh combien même elle peut paraître évidente ou dérisoire pourtant d’une importance capitale est qu’est-ce qu’une femme émancipée ? On pourrait pousser la réflexion plus loin, on se demanderait bien de quels droit s’agit-il ?  Adopté une telle démarche jetterait sans doute sur notre effort intellectuel une critique sexiste  moins importante qu’un reproche discriminatoire mieux stigmatisant  relative à ces femmes non émancipées.  Ce qui nous emmène à nous demander si la femme ‘’non émancipée’’ ne dispose-t-elle pas de droit ?

Le débat dépassé de l’existence des droits de la femme…

Elle est loin,  fort heureusement la question de l’existence des droits de la femme. En effet longtemps pris sous  un angle des droits de minorité,  il existe de nombreux textes  à portée  générale qui consacrent aujourd’hui les droits de la femme (le préambule de la charte des Nations Unies, la déclaration Universelle  des droits de l’Homme …). Malgré cette consécration formelle, force est de de constater que la référence aux droits des femmes dans les faits n’est pas toujours autonome. La reconnaissance des droits des femmes  se fait en comparaison aux droits de l’homme.  On croirait que nous ne sommes pas encore sorties de l’ombre de  l’homme, regardé comme toute  une autorité ou institution supérieure à la femme regardée comme son dû, son faire valoir.  Une traduction juridique d’une telle affirmation placerait  la femme en qualité de chose et l’homme en qualité de propriétaire pouvant jouir de son droit de propriété de manière absolue. Cette représentation  qui doit être relativisée se vérifie encore aujourd’hui dans nos sociétés notamment sur le terrain du mariage.  Au travers de ces propos, on peut entrevoir des juristes s’offusquer en disant  ‘’ la loi est pourtant claire à ce sujet, puisqu’elle met à la charge de l’homme, des obligations de respect au profit de la femme’’.  Ah les juristes si les problèmes de société se résolvaient par une application stricte de loi, le monde ne serait pas ce qu’il est et les exceptions toujours nombreuses associées à ces principes de plus en plus vidés de leur substances seraient dépourvues d’intérêt.  Et ces conservateurs de traditions ancestrales à la lecture de ceci se réjouissent en disant ‘’ en voilà  un qui a compris que nos sociétés sont construites sur des valeurs, sur des réalités ancestrales naturelles qui méritent de subsister malgré les constructions  de l’homme qui ne sont que vent. Ces constructions humaines ne se font telles pas ou se défont elles pas au gré des évolutions des mœurs  tantôt en progression ou en dégression selon les intérêts en jeu dans nos sociétés’’.

L’intérêt du débat est plus que théorique,  car en effet, la femme qui aujourd’hui  bien  que consciente de ses droits  n’est pas en mesure d’en revendiquer la jouissance ni dans le cercle du mariage  pire encore au sein des institutions civiles et politiques dans nos sociétés africaines. Celles qui ont le courage de s’en prévaloir sont tout de suite taxées de féministes,  d’émancipés, d’orgueilleuse, utopistes (…). L’émancipation qui sous d’autres cieux, tel qu’en occident qui pourrait se traduire comme un développement positif de la femme sur le plan  psychologique, sa capacité à s’assumer et accepter sa condition indépendamment de l’homme est apprécié de manière négative en Afrique.  

En Afrique, cette évolution mentale  de la femme est souvent prise comme la violation des sacro-saints principes  tirés de la religion ou de la coutume, des formules de type ‘’ c’est l’homme qui porte le pantalon dans le foyer’’ (proverbe bantou signifiant que l’homme est le chef de la famille) sont souvent rabâchées à la femme mariée.  Plus criardes sont des traditions légitimant le viol dans le mariage. Il est reporté à la femme qu’elle n’a pas le droit de repousser les avances sexuelles de son mari. Le non de la femme est quasi- inexistant.  D’ailleurs on pourrait presque affirmer que le viol dans le mariage n’est pas juridiquement sanctionné en Afrique (présomption simple). C’est à elle que revient l’entière responsabilité des tâches ménagères souvent pénibles.

Dans les institutions civiles et politiques, la femme est souvent sujette au harcèlement sexuel de ses collègues hommes ou supérieur. Elle est victime de menace et chantage de la part de ses supérieurs de sexe masculin allant du risque de licenciement au refus d’un avancement statutaire légitiment attendu. 

Nous pensons qu’il est temps de faire bouger les mœurs et de réactiver nos institutions politiques et judicaires. Il ne suffit pas de reprendre dans nos constitutions et  autres textes de loi des droits reconnus aux femmes et de pas en sanctionner la méconnaissance.

Le dilemme de la femme émancipée, entre respect de la tradition et la jouissance absolue de ses droits…

‘’Sois belle et tais-toi ‘’  cette expression est insultante et dégradante pour la femme  émancipée ou non.  Au-delà de sa beauté naturelle, la femme est l’égale de l’homme. Elle ne lui est guère inférieure et dispose autant que lui de mêmes droits et des mêmes capacités.  Fort heureuse on retrouve très peu dans nos sociétés une séparation encore rigide dans les services publics des écoles ou formations réservées aux hommes et interdites aux femmes, des postes strictement réservés aux hommes. 

Ces questions dans nos sociétés modernes sont abordées sous le prisme des questions du genre.  On peut saluer l’effort des institutions publiques fortes qui font de la présence des femmes dans les partis politiques une question d’éligibilité aux fonctions parlementaires.  La palme d’or revient sur cette question  au Rwanda avec un parlement majoritairement féminine,  les femmes occupent 51 des 80 sièges de députés, soit 63,75% des sièges. On peut par ailleurs constater que des métiers souvent présumés réservés aux hommes s’ouvrent pour accueillir des femmes. Ces femmes comme La pilote Irène Koki Mutungi du Kenya (première femme africaine commandant de bord dans l’histoire du transport aérien), Patricia Mawuli, du Ghana  (première femme de l’Afrique de l’ouest à avoir un certificat de construction et d’entretien des moteurs Rotax) ; font preuve de ce dépassement. Cela s’observe aussi dans la répartition des postes dans les institutions régionales fondée sur les critères de représentation géographique tenant compte des problématiques du genre.

Lorsque la question n’est pas réglée par le droit, il  faut prendre ‘’le taureau par les cornes’’ s’écrient les féministes. Dans les réseaux sociaux  pullulent des vidéos de conférence visant à édifier disent elles les femmes afin qu’elles se réveillent et prennent les destins en main. Plusieurs thèmes sont abordés, partant du rôle influent de la femme dans le foyer et dans son milieu professionnel. Ces sites portent des noms de type femme d’influence, femme indépendante et forte, femmes entrepreneures. Des hymnes leur sont dédiées ‘’girl in fire’’ de Alicia keys, ‘’who run the world, Girls’’ de Beyoncé;  ‘’I don’t need a Man ‘’ de The Pussycat Dolls;  ou encore  ‘’The Respect’’ de la célèbre Aretha Franklin.

S’il ne s’agissait pas d’une question de femme émancipée, mais d’une normalité des choses qui voudrait que toute femme jouit  de ses droits, qu’elle trouve son existence indépendamment de celle de  l’homme sans qu’au lui jette au visage qu’elle serait rebelle, qu’elle subira les conséquences désastreuses d’une culture ancestrale caduque et stigmatisant (rejet de la famille, regard accusatoire de la société, des injures gratuites de  type fille sans éducation traditionnelle, filles de Pigalle…).

Dépassant le coté  passionné du débat entre ces femmes dites féministes qui n’ont pas fini de revendiquer plus droit, encore plus de droit d’un côté et de les protecteurs de la tradition, une tradition parfois stupide encourageant l’excision des jeunes filles dans certains coins d’Afrique… Car pendant que les femmes féministes se battent à défendre leur indépendance,  qui pense à ces femmes dites oubliées, considérées comme non émancipées ? Ces femmes analphabètes ou jeunes filles laissées à la merci des crises sanitaires de type sida,  victime des violences conjugales, les effets pervers de la polygamie et bien d’autres maux encore ?

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