Paul PANDA FARNANA

Panda Farnana, un Congolais qui dérange by jeanfiston
Paul Panda Farnana né en 1888 à Nzemba, près de Banana, dans la province du Bas-Congo, et mort dans cette même localité le 12 mai 1930 fut un agronome et un nationaliste congolais.
Paul Panda Farnana était le fils d’un chef traditionnel, et donc par droit coutumier chef lui-même; on l’appellera ainsi plus tardM’fumu Paul Panda Farnana). En 1900, le Lieutenant Derscheidet son épouse emmènent Panda avec eux lorsqu’il quittent Banana pour retourner en Belgique. Il semble que Panda devait servir de garçon de compagnie au bébé que le couple Derscheid venait d’avoir. Mais ce voyage ne se passa pas comme prévu : le bébé mourut pendant la traversée. Madame Derscheid, prises de fièvres, succombera aussi avant l’arrivée en Belgique. Son mari partagera son sort.
C’est ainsi que le jeune Panda arrive sans famille en Belgique. Il va être adopte par la sœur du Lieutenant Derscheid, Louise Derscheid, une femme célibataire éprise d’art qui l’élèvera avec beaucoup d’amour, comme son propre fils.
Paul Panda entame des 1900 des études secondaires a l’Athénée d’Ixelles, avant de réussir en 1904 le concours d’entrée à l’École d’horticulture et d’agriculture de Vilvorde. Il y décrochera trois ans plus tard son diplôme d’agronome avec la plus grande distinction, raflant en sus le « certificat de capacité » avec pour spécialité les cultures tropicales. En 1908, soucieux de compléter sa formation, Panda s’inscrit comme élève régulier à l’École supérieure d’Agriculture tropicale à Nogent-sur-Marne. Au terme de son cursus, il obtient le « Certificat d’études ». À l’École supérieure commerciale et consulaire de Mons, il approfondit sa connaissance de l’anglais.
Panda sera engagé l’année suivante par le ministère des colonies en qualité de «chef de cultures de troisième classe ». À son arrivée à Boma le 21 juin, il est nommé au Jardin botanique d’Eala près de Coquilathville (actuelle Mbandaka), où il assume aussi des cours théoriques. Il est le tout premier fonctionnaire noir de la colonie belge. Pendant deux ans, il subira l’indifférence, le dédain, voire le racisme de nombre de ses collègues fonctionnaires blancs. Il réussira toutefois à concentrer son énergie sur la bonne conduite de sa mission.
A la fin de son mandat en 1911, Panda retourne en Belgique où il reçoit la distinction de « l’Étoile service ». À son retour au Congo en décembre de la même année, il est nommé directeur de la station de Kalamu, où il effectuera notamment des récoltes de spécimens d’herbiers conservés au Jardin botanique national de Belgique.
En 1914, la guerre éclate alors que Panda séjourne en Belgique. Il s’engage dans le « Corps de Volontaires congolaisé ». Deux autres Congolais posent le même geste :Joseph Adipanga et Albert Kudjabo. Tous les trois seront faits prisonniers par les Allemands. Alors que Joseph Adipanga réussit à s’évader, Paul Panda et Albert Kudjabo demeurent en captivité jusqu’à la fin de la guerre. Dans les camps de prisonniers de guerre, Panda se rapproche des Tirailleurs sénégalais pour qui il fait office d’écrivain public. Par ce biais, il entre en contact avec Blaise Diagne, Député du Sénégal a l’Assemblée Nationale de France depuis 1914 ! Alors que les colonies françaises pouvaient déjà envoyer des représentants du peuple a Paris, on pouvait devenir, au Congo belge, « tout au plus machiniste, enfant de chœur, scout ou encore gardien de but ». Mais ces années de captivité furent aussi des années de moqueries et d’humiliations où Panda et Kudjabo serviront de spécimen aux ethnologues allemands, des années de maladie et de travail forcé.
En 1919, libéré, Panda regagne la Belgique et obtient à sa demande une mise en disponibilité pour convenance personnelle. Le « Journal des combattants » écrivit a son propos et celui de ses deux compagnons d’arme : « Qu’on les rapatrie et qu’on les expédie à l’ombre de leurs bananiers où ils seront certainement plus à leur place. Ils y apprendront les danses nègres, ils pourront aller y raconter leurs exploits guerriers à leur famille, assise en rond sur des peaux de chimpanzé ».
Etait-ce pour cela qu’ils s’étaient battus et avaient souffert ? Ils ne pouvaient pas laisser passer une chose pareille. Il y eut une réponse : « Dans les tranchées, on ne cessait de nous répéter que nous étions tous frères et nous étions mis sur le même pied d’égalité que les blancs. Toutefois, maintenant que la guerre est finie et qu’on a plus besoin de nos services, on serait enchanté de nous voir disparaitre. En ce qui concerne ce dernier point, nous sommes parfaitement d’accord, à la seule condition cependant que si vous insistez si sévèrement sur le rapatriement des Noirs, nous pourrions demander que tous les Blancs se trouvant en Afrique soient rapatriés également. »
Cette réplique allait provoquer le début d’une série de charges sans merci de la part de la presse coloniale belge. Quel culot ! Personne n’osait au Congo adopter un ton aussi assuré. Le texte était écrit dans un français plus éloquent que l’article qui avait suscité la réaction des congolais. Une nouvelle voix avait commencé à s’exprimer.
En février 1919, Paul Panda participe aux assises du Premier Congrès Panafricain à Paris, organisé à l’initiative conjointe de Blaise Diagne, membre du gouvernement français, et de W.E.B. Du Bois, sociologue afro-américain et chef de la N.A.A.C.P. (National Association for the Advancement of coloured People). En août de la même année, Panda participe à la création de l’Union Congolaise, « société de secours et de développement moral et intellectuel de la race congolaise ». L’Union Congolaise est placée sous la protection de Louis Franck, le ministre libéral des colonies, et d’Émile Vandervelde, leader socialiste et ministre de la Justice. Elle compte au départ 33 membres dont Paul Panda Farnana, Président, et Albert Kudjabo, Secrétaire. Ils s’efforçaient d’aider les membres pauvres et malades, de couvrir les frais d’enterrement et de fournir un enseignement gratuit. Mais leur ordre du jour était aussi explicitement politique.
En 1920, Panda intervient à la tribune du premier Congrès colonial national (du 18 au 20 septembre 1920) dont les assises se tiennent au Sénat Belge. Sa contribution est d’autant plus remarquée qu’il est le seul Congolais convié à prendre la parole face aux personnalités coloniales : ecclésiastiques et civiles. C’est à l’occasion de ce congrès que Panda rencontre l’Abbé Stefano Kaoze – premier prêtre congolais ordonné sous le régime colonial-, alors secrétaire de Mgr Roelens, vicaire apostolique du Haut-Congo. Les deux hommes qui prennent le temps de se connaître s’estiment et Panda fait part de leur consensus sur la participation souhaitée des Congolais aux instances de décision.
L’Union Congolaise exigera que le travail force soit allégé, que le travail salarié soit mieux rémunéré, et que l’enseignement soit étendu. Elle demanda aussi que les Congolais aient davantage leur mot à dire dans l’administration. En 1920 !
L’union Congolaise ne cessait de prendre de l’ampleur. Paul Panda était un intellectuel particulièrement éloquent qui avait le rare talent de savoir présenter des idées radicales comme des mesures équitables. Son discours était nationaliste et réformiste, certes, mais aussi pacifiste et nullement anti-belge, ni anti-européen.
En 1921, Paul Panda participe au deuxième Congrès Panafricain qui se tient alternativement à Londres, et à Bruxelles. Panda siège au bureau du Congrès aux côtés de Blaise Diagne, de W.E.B. Du Bois, de Paul Otlet, et de Miss Jessie Fauset (redactrice de la revue The Crisis). Le 11 septembre, Paul Panda donne une conférence sur « L’historique de la civilisation nègre sur les rives du fleuve Congo ». Par ailleurs, il exprima le vœu que des diplomates noirs soient présents au sein des commissions internationales ayant la charge d’administrer les mandats exercés sur les anciennes possessions allemandes en Afrique. La presse coloniale belge reproche à Panda, à tort, son « nationalisme, son bolchevisme et son garveyisme ».
À la demande des membres de l’Union Congolaise, Paul Panda entreprend des démarches auprès du Ministère des Colonies en vue d’organiser des cours à l’usage de ses compatriotes. C’est ainsi que des cours pour Congolais subsidiés par les autorités belges sont ouverts à Bruxelles, à Charleroi et à Marchienne. Panda assure lui-même quelques cours à côté d’enseignants dûment mandatés par les autorités.
Accusé de sédition, le catéchiste Simon Kimbangu est condamné à mort. Sa peine est commuée en détention à perpétuité ; il se voit infligé la déportation dans le Katanga, où il sera emprisonné jusqu’à sa mort en 1951. Par le biais notamment du ministre Louis Franck, Panda s’emploie à convaincre les autorités coloniales de ne pas appliquer la peine capitale au condamné. Kimbangu est d’autant plus décrié par certains coloniaux qu’ils le tiennent pour un disciple de Marcus Garvey. Une violente polémique oppose Paul Panda à l’équipe rédactionnelle de l’Avenir Colonial Belge, porte-voix des coloniaux les plus conservateurs.
En 1925, « La Renaissance de l’Occident » consacre une livraison spéciale aux arts et à l’artisanat congolais. Panda est mis à contribution et s’exprime avec pertinence sur les questions de l’art ainsi que l’avenir de l’artisanat dans son pays. Il dénonce les pillages qui ont permis à l’Europe de garnir ses musées et juge que la colonisation constitue ni plus ni moins que du vandalisme « rationalisé ».
En 1929, Panda décide de retourner au Congo pour se consacrer entièrement à l’instruction de son peuple et au développement de son pays natal; il rejoint son village de Nzemba ; il y fait ériger une école ainsi qu’une chapelle, dédiée à son Saint patron. Il y fait construire une huilerie, et commande d’Europe une presse a briques.
Avec sa rare combinaison d’expérience de la vie, de discernement et de tact, Paul Panda Farnana aurait pu devenir un personnage clé dans les négociations en faveur d’un régime colonial plus juste. Sa vie s’arrête hélas brusquement lorsqu’il est empoisonne le 12 mai 1930 dans des circonstances floues qui n’ont jamais été élucidées. Le Congo venait de perdre sa brillante contre-voix. Paul Panda mourut célibataire et sans enfants.
A sa mort, le Gouverneur Général de la colonie prendra une mesure interdisant aux Noirs d’aller entreprendre des études en Belgique (Europe). Il faudra attendre encore 26 ans pour que le Congo belge produise un deuxième universitaire, Thomas Kanza.